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Les évaporés

TL;DR : message(s) et limites de l’œuvre, marre des dystopies, les écolos et la classe sociale, le prompt art c’est pas de l’art, mixer l’infosec et l’écriture c’est cool.

Image de couverture des évaporés. Le titre, "Les évaporés", est écrit en blanc sur fond vert d'eau. La police utilisée est ronde dans le but de donner une impression d'écriture manuelle, et est entourée d'un halo qui lui donne un effet brillant.
👁️ Découvrir l’œuvre

Les évaporés est une œuvre interactive qui emprunte aux codes des ARG (Alternate Reality Games) mais aussi à ceux des CTF* (Capture The Flag), avec la volonté d’être accessible à un public non-initié.
L’histoire est délivrée par le biais d’un jeu de piste en ligne. Les joueurs-lecteurs découvrent l’intrigue petit à petit en explorant divers réseaux sociaux.

Page d'accueil du CTF les évaporés
Version CTFd des évaporés accessible à evapores.fr

*Les CTF sont des compétitions en sécurité informatique composée la plupart du temps de challenges à résoudre en trouvant un « flag » (celui-ci peut, par exemple, être une suite de caractères cachée dans un fichier). Ces événements sont éphémères, traditionnellement gratuits, et à visée à la fois ludique et pédagogique. Ils permettent de se creuser la tête et d’apprendre de nouvelles compétences en cybersécurité. Les évaporés fait découvrir par la gamification des techniques basiques utilisées en investigation en sources ouvertes sur internet. Toutefois, son but est d’être avant tout un récit et non une compétition technique.

Pourquoi avoir participé au concours de la nouvelle plurilingue de l’Inalco ?

Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un des rares évènements mettant en avant la littérature numérique. C’est un format propice à la mise en valeur du plurilinguisme par les effets visuels qu’il rend possibles (exemples : traduction par survol de la souris, remplacement d’un texte par un autre au bout d’un temps limité, etc.).

Ensuite, parce que le thème est un sujet important et qu’une idée de scénario a germé (hehe) assez vite en lisant l’appel à textes.

Le(s) message(s) de l’œuvre

Le concours imposait de traiter le thème de l’écologie.

L’envie qui s’est immédiatement imposée était celle de parler de classe sociale, sujet trop souvent absent des discours écolos, et par extension, d’être une minorité au sein de ces mouvements.
Je repense à toutes ces personnes qui m’ont pris la tête pour avoir confondu les poubelles de tri alors qu’elles partaient en vacances en avion chaque année, ce qui n’est pas mon cas. Environ 30% des français n’ont pas pris l’avion dans leur vie. Ou encore, de ne pas vouloir comprendre, quand on est parisien et que le métro suffit à ne pas polluer davantage, que tout le monde ne peut pas faire tous ses trajets (travail, courses, etc) en vélo.
En bref, ne pas vouloir comprendre la réalité des autres, se venter d’être écolo, non pas par réel souci pour la cause, mais pour avoir l’air d’une « bonne personne ». Attention : ce n’est pas le cas de toutes les personnes se disant écolos.

Voir la brochure Votre écologie n’est pas la nôtre – sur le racisme des mouvements écolos

Cependant, il est délicat de parler de ces dynamiques – ou en tout cas, je trouve ça délicat de peur de froisser le public. De plus, le contenu des évaporés relève du témoignage et non de l’essai. Ce vécu a donc été délivré par la voix d’un personnage fictif. Le lectorat, jouant le rôle d’un enquêteur, avait pour but de le retrouver, donc était incité à le comprendre.

Le cyberpunk est un genre très connu. Pour changer de la dystopie, je voulais faire découvrir le solarpunk et le hopepunk. Il y a un peu cette idée de : « On a déjà perdu. Maintenant, il faut penser l’après ». Sans être naïf, ne pas être pessimiste.

Oui, les doomers et les bandeurs de collapsologie m’énervent.
J’ai l’impression que c’est aussi toujours le même genre de profil qui fantasme sur l’effondrement et l’apocalypse, ou encore le soulèvement des machines. C’est ce que j’avais essayé de dire avec Silence : « Ce qui est une dystopie pour les uns est une réalité pour les autres ».

Quelle a été la manière de procéder ?

Concernant l’écriture, la première phase, et la plus importante, est de clarifier dans sa propre tête ce que l’on veut dire. La procédure n’a rien d’extraordinaire. Elle consiste à réfléchir beaucoup et à dialoguer avec les personnages, comme pour faire leur connaissance. Que veut-elle ? Que veut Mara et pourquoi fait-elle cela ?
L’histoire était ici courte et ne nécessitait pas de chronologie ni de recherches poussées pour construire l’univers.

Graph Twine des évaporés
Structure Twine des évaporés

L’autre phase importante qui se déroule en parallèle de l’écriture est le prototypage du jeu. Le choix de la palette de couleurs est je-ne-sais-pas-pourquoi déterminant et se fait dès le début. Je dev aussi des tests d’effets visuels dont beaucoup ne seront pas utilisés.

Menu des évaporés version Twine

Côté inspiration, au moment où je développais les évaporés, je jouais à Stray et j’aimais beaucoup les boîtes de dialogue de B-12, que ce soit par l’effet de typing, que sa voix robotique. Au départ, j’avais envie d’avoir un petit drone qui servirait d’interlocuteur mais cette idée fut abandonnée, faute de compétences techniques suffisantes.

Extrait de Stray avec une boîte de dialogue
On en retrouve un peu l’esprit

Ainsi, la première version des évaporés est une fiction interactive à lire dans un navigateur créée avec Twine.
Souhaitant proposer une expérience où plusieurs joueurs pouvaient participer en même temps, le format du CTF est rapidement apparu comme une bonne alternative. De plus, il y avait le souhait de faire découvrir les CTF et l’OSINT au grand public parce que j’aime beaucoup les deux. 🙂

Pour le prototype, les illustrations ont été générées avec MidJourney. Cependant, elles n’étaient pas censées être utilisées pour le rendu final. J’en parle plus bas dans les limites de l’œuvre.

Les limites de l’œuvre

Par manque de temps, je n’ai pas pu redessiner les illustrations générées avec MidJourney. Je les referai plus tard mais cela reste malgré tout un grand regret de n’avoir pas pu le faire à temps pour la sortie des évaporés.
En effet, en l’état actuel des choses, je ne considère pas qu’écrire des prompts soit de l’art. Toutefois, mon avis pourrait évoluer si les artistes ne se faisaient plus voler leur travail sans leur consentement.
Précisons aussi que je ne situe pas la rédaction de prompts au même niveau que de savoir développer et utiliser un modèle de génération de texte. Ça m’intéresserait personnellement beaucoup de tester le style transfer en utilisant mes propres textes pour en générer de nouveaux (mais ah le manque de temps). L’IA reste un outil. Un outil peut être bien ou mal utilisé.

Pour moi, l’AI art est plutôt représenté par des artistes comme Sougwen Chung (un autre article sur sa démarche ici), Mimi Onuoha ou Stephanie Dinkins.

À part ça, je me suis beaucoup retenue sur mon propos quant aux mouvements écolos, encore une fois, pour ne pas froisser le public.

J’aurais beaucoup aimé travailler avec une équipe plus large afin de proposer une expérience plus poussée techniquement. On aurait aussi pu avoir des actrices et des acteurs, faire des audios et vidéos. Peut-être une prochaine fois.

Conclusion

On est très content d’avoir réussir à sortir les évaporés et qu’elle ait été récompensée. Elle mixe plusieurs passions : la sécurité informatique, le dev, l’écriture et la narration sur internet.

Les évaporés résumé en une phrase :

« On a déjà perdu. Maintenant, il faut penser l’après. »

Une réponse à “Les évaporés”

  1. J’ai beaucoup aimé jouer au détective et je suis impressionnée par toute la construction que vous avez dû faire pour avoir un contexte cohérent avec une réelle impression de fouiller et de découvrir la vie d’une vraie personne. Bravo !

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